Le chant d’Elno

♫Le chant d'Elno

Van Haart: Quel est cet espoir qui souffle ? Quel est ce secret oublié, ce rêve que pressent Marine ? Je crois que je commence à me souvenir; c’est ce même secret qui conduit ma fuite vers le Nord. Oui, nous avions un rêve, enfants. Un rêve rien qu’à nous, un rêve gardien, une sorte de double intérieur. Un vrai ami intime, qui connaissait toutes nos pensées et ne nous abandonnait jamais. Nous n‘étions jamais seuls. A Weissland, personne, jamais, n’était seul. Nous avions nos rêves à qui parler, et puis… j’ai du mal à me souvenir… certains adultes avaient un rôle spécial; ils nous aidaient à parler à nos rêves, à ne pas perdre le contact avec eux. Mais quelque chose s’est cassé, un jour ; je ne sais pas quoi. J’ai oublié, nous avons tous oublié, et les rêves sont partis. Vous, vous avez été privés du rêve au moment où il est le plus présent, au beau milieu de l’enfance. Pour moi c’est venu bien plus tard, tellement que j’ai cru ça normal. Les responsabilités, la maturité.... Mais ce n’était pas normal. Cela vous rappelle quelque chose, n’est-ce pas ? Sylvia, Marine ?

Duo de Marine et Sylvia. Pendant qu’elles chantent, Nathan se retire, de plus en plus triste. Van Haart fait mine de s’approcher de lui, mais Nathan se retire de l’autre coté.

Marine, Sylvia :

(M.)

A l’heure où brillent les glaces

Aux lumières bleues du grand nord      

A l’heure où le jour s’endort

Où tout est sombre, et tout s’efface

(S.)

Alors s’allument les flammes

Des grands bûchers de sapin vert        

C’est le moment où les âmes

Se réchauffent au creux de l’hiver.

(M.)

Là, les vieux couverts de rides

Prennent les enfants par la main  

Et leur parlent du sol aride

Des fleurs qui seront là demain;

(S.)

Ils nous parlent des tempêtes

Qu’affrontent les grands

vaisseaux blancs     

Et leurs histoires se répètent

Au fond des yeux étincelants.

 

 

(Ens.)

Le plus vieux et le plus sage

C’est Elno, qu’on dit magicien;     

On dit qu’il sait voir si loin

Qu’il lit nos rêves et leurs présages;        

Il prenait ta main, la mienne,

Et l’on se sentait réchauffé:

Il n’y a pas d’hiver qui tienne,

Il ne peut rien nous arriver.

C’est comme sentir la présence

D’un grand frère ou bien d’un ami;

Comme si tout ce qu’on pense

Était compris, était admis. 

Alors les yeux dans le vague

Encor tout emplis de merveilles,   

On s’endormait au creux des vagues

Où nous emportait le sommeil.

(M./S.)           

A l’heure où brillent les glaces /

     Aux lumière bleues du grand nord     

Quand étincellent les chenaux /

     A l’heure où le jour s’endort  

Je me souviens du chant d’Elno /

     Où est le chant d’Elno    

Et c’est là que ... mon chant  se casse  

Que j’ai aimé ce sol aride /

     Que j’ai aimé ces vaisseaux blancs  

Les fleurs qui pousseraient demain; /

     Au long sillage étincelant      

Et maintenant mon âme est vide, /

     Mon âme est vide

Je ne sais plus donner la main.

Je ne sens plus cette présence /

     Celle d’un frère ou d’un ami 

Qui me disait que c’était bien /

     Que tous les rêves sont admis  

Je n’ai que le goût de l’absence /

     Et je sens cette absence

Et tous mes rêves sont si loin.