Parisiens

 

Les Ponts

 

Au bout de Saint-Germain se devine la mer:

Les vagues enfiévrées aux longs frissons d’écume,

L’air empli de saveurs océanes que hument,

avides de tous sens, des enfants de lumière.

 

Ils plongent en riant du pont de la Concorde,

Ramassent des galets le long des voies sur berges;

Ils se courent après, s’éclaboussent, s’aspergent,

Et le cri des mouettes à leur chahut s’accorde.

 

Je t’y emmènerai à la marée prochaine

Et nous verrons les ponts, brisant enfin leurs chaînes,

Dériver vers le large, immenses, triomphants:

 

Invalides, Iéna,  Alma et Bir-Hakeim -

Paquebots d’acier gris offerts à ceux qui s’aiment,

Et Paris tout entier emporté par le vent.

 

 

Rive Gauche

 

Le temps s’est arrêté à Saint-André-des-Arts.

Il s’est assis tranquille au coin d’une terrasse,

Et regarde les gens qui traversent la place

Sans savoir que jamais il ne sera plus tard.

 

Le temps s’est arrêté - nul ne le sait encore

Sauf peut-être ceux-là, des amants de passage

Aux désirs déjà fous, aux baisers encor sages

Qui lui sourient des yeux, de la bouche et du corps.

 

A la Sorbonne aussi maintenant tout est calme:

La vieille porte en bois de l’Université

S’est fermée sur son or et sa pompe et ses palmes,

 

Et sur l’ordre muet de cette vieille dame

Le vent s’est fait discret, doux comme un souffle d’âme:

Il a porté la voix d’un piano, et chanté.

Tableau « Les Ponts » de Nelly Harel

 

 

 

Encore le temps

 

Je suis retourné bien plus tard

A la Sorbonne

Le temps était toujours là

Assis en terrasse

Un demi posé devant lui

Encore intact.