D’opinion

 

Athée en colère

 

Eh, toi, l’absent d’en haut, éthéré saltimbanque !

Je ne crois pas en toi, c’est affaire entendue ;

Au pari de Pascal, peut-être, j’ai perdu ;

Mais il en est qui croient, et à ceux-là tu manques.

 

A force de prier il se sont fait des âmes :

Ils ont mal. Eh, dis-donc, ça te regarde, Dieu!

Fais donc au moins l’effort d’exister par les yeux ,

Et tant pis si tes yeux se découvrent des larmes !

 

On pleure assez ici, et on meurt et on souffre

En ton nom, pour tes lois, ton enfer et ton soufre :

Ca ne mérite pas d’être un peu là pour eux ?

 

Bien planqué – c’est facile! – en ton inexistence,

C’est trop te demander que d’avoir la décence

Au moins d’être un regard sur tous ces malheureux ?

 

 

Commentaire Composé

 

« On sent bien que l’auteur a choisi le prétexte

A cette rêverie pour en fait raconter

Ses soucis financiers : on le voit dans le texte

A l’usage des mots Luxe ou bien Volupté. »

 

Trions les attributs, classons les épithètes ;

Mettons à part les verbes d’état et d’action,

Puis  ré-assemblons tout en tas sans queue ni tête :

La beauté s’est enfuie ? Tant pis ! La rédaction

 

Est à nous : l’auteur mort ne peut nous contredire ;

Nous pouvons le fouler aux pieds pour nous grandir,

Nous sommes tout-puissants, nous pouvons tout oser !

 

Qu’importe si le sens s’est perdu dans sa tombe ;

Qu’importe si son âme en pleure au soir qui tombe ;

Qu’importe si ses mots ne peuvent reposer.

 

 

Liberté, Egalité, Fraternité

 

J’ ai lu les journeaux ce matin :

La voix du monde s’y fait grave ;

L’Histoire sous nos yeux se grave

Et l’on invoque le destin.

 

Mais on n’y parle pas de l’homme,

Rien n’y éveille la passion :

Contre la globalisation

On ne peut rien,  ou c’est tout comme.

 

Alors pourquoi se fatiguer,

Pourquoi entrer en politique ?

On subit tout, c’est plus pratique,

Et puis on sait qui critiquer.

 

Comme une douleur ambiguë,

Pourquoi faut-il qu’en mon cœur vienne

La nostalgie absurde et vaine

De temps que je n’ai pas vécus ?

 

Au fond du coffret d’Epinal,

On croyait vives les images ;

Elles se fanent, et c’est dommage :

En rire est devenue banal.

 

Les mots qui portaient des idées,

Fraternité ou République,

Ont subi le sort des reliques :

On moque leur naïveté.

 

Ou parfois, plus cynique encor,

Quelque prophète s’en empare ;

Les marchands corrompus s’en parent,

Semble-t’il avec notre accord.

 

Sans doute… Et pourtant je chéris

Ces mots dont nous étions si fiers ;

Vous tournez le dos aux Lumières ?

Moi j’y reste : c’est ma patrie.

 

 

 

 

 

 

 

Manifeste

 

S’il fallait que l’amour s’arrête

A la première trahison :

Triste monde sans horizon

Sans jeu gratuit, sans joie ni fête !

 

S’il fallait qu’on cessât d’aimer

Ceux dont la vie un jour nous blesse,

S’il fallait haïr leur faiblesse,

Oh, que tout serait abimé !

 

Oui, je sais, tu parles et tu souffres :

Mais que fais-tu donc, animal,

Sinon creuser encor le gouffre ?

 

Va, j’ai souffert aussi – écoute,

Ce n’est jamais d’aimer qui coûte,

C’est d’être amer qui te fait mal.