Montmartrois

 

 

 

 

 

Sur le zinc

 

Le cuivre et l’or brun du comptoir

Sont un cocon aux chrysalides

Dont les âmes, se croyant solides,

Se déferont sur le trottoir.

 

Le bruit, la chaleur les éveillent;

L’alcool leur fait voir des printemps,

Et leurs ailes s’ébrouent - pourtant

Dehors il fait froid, l’hiver veille.

 

Où donc volerez-vous, mes âmes?

Vers quels leurres, sur quelle flamme?

Vous échapperez-vous vers le ciel?

 

Ou bien reviendrez-vous, moroses,

Recommencer l’artificielle,

L’éternelle métamorphose?

 

 

Canicule

 

La chaleur de Paris – car il fait au moins trente –

A chassé du pavé jusqu’au moineau inquiet,

Jusqu’au touriste assis, perdu, hagard, qui est

Séparé du troupeau comme une vache errante.

 

Les femmes sont en short, en débardeur, en jupe ;

Elles vont aux Abbesses et y cherchent l’air frais,

Attirant le dragueur qui en est pour ses frais :

Seul à Paris en Août ? Elles ne sont pas dupes !

 

Tout est fermé – mais pas le Zèbre, ni le Lux ;

Une esquisse de brise effleure mollement

Les tables en terrasse – eh , c’est déjà un luxe !

 

Le temps traîne, on est bien – on languit, on flemmarde ;

On vole un peu de vie peut-être à la Camarde,

Au boulot, aux impôts, et aux emmerdements.