C’était un
de ces jours où la mer et le ciel
Semblent s’être
fondus enfin et pour toujours,
Voluptueusement
lovés, faisant l’amour
En un fol
alliage de bleus irréels.
La ligne
d’horizon, sans pudeur et sans fin,
Se tendait au
désir - et peu à peu mon âme
Etait attirée
là, là où naissent les lames
Et les rêves
des fous et les cris des dauphins.
Oh! Comme il
est facile à l’approche du soir
De se croire
sauvé par un Dieu illusoire,
En se laissant
porter par cette force immense!
Vient alors le
désir: cette femme, demain,
Lire au fond de
ses yeux comme une mer qui pense,
Des lignes
d’horizon aux lignes de ses mains.
Mon
Île-en-mer
Je lui
serrai la main, puis nous nous embarquâmes.
Quand de loin saluèrent
les feux de Palais,
Je la serrai
plus fort et je sus que j’allais
Retrouver avec
elle un morceau de mon âme.
Il faisait nuit
alors - de froid, d’embrun, de brume;
Puis nous avons
marché sous un soleil naissant,
Et ce vent qui
cinglait d’Houat ou bien d’Ouessant
Comme un éclat
de rire envoyait son écume.
Ô couleurs
infinies, de chaque instant unique
Faisant, comme
parées de changeantes tuniques
Défiler les
secondes! Ô miracle à chaque heure!
Mais c’est le
dernier soir - déjà les bleus s’installent...
Reprends tous
tes secrets, Belle-Île-en-mer étale,
Secrets d’une
beauté qui déchire le cœur...
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Ce que dit Labrys
Ne m’invoquez pas trop, insensés
que vous êtes !
Vous le regretteriez si je frappais
encor :
L’ami et l’ennemi n’ont pour moi qu’un
seul corps,
Et si j’ai deux tranchants c’est pour
trancher deux têtes.
Dédale m’a forgée, et j’ai pris mon
essor :
J’ai fauché l’Achéen et et le noble de
Crête,
Plus tard j’ai moissonné Ottomans et
Vénètes ;
Aryens et Bretons ont partagé leur sort.
.
Mais je suis fatiguée, et les dieux que
je sers,
La Mêre en qui tout vit et le Taureau
puissant,
M’ont confié en partant l’Île et ses
cieux déserts ;
J’y veille encor sur vous du fond du
Labyrinthe,
Dans la terre assagie qui m’offre son
étreinte :
J’y recueille la paix, et non plus votre
sang.
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