|    Marine  D’abord on
    voit l’esprit dont tes mots étincellent, Volant autour
    de toi, les plus charmants des leurres, Galets d’un
    ricochet infini qui affleure Et ride à peine
    l’eau dont ton âme ruisselle.   Plus profond,
    mieux cachée, entre deux eaux furtive, Je connais
    cette voix que la musique éveille; Elle dit
    simplement que ta vie est merveille Et c’est de sa
    chanson que naissent tes eaux vives.   En deçà... qui
    dira ces vagues souterraines, Ces courants
    que toi seuls sais, et qui t’entraînent En de nouveaux
    printemps, vers de nouveaux étés?   Je ne puis en
    chanter la chanson véritable, Mais de loin je
    les aime, ô mon âme indomptable, Et j’aime ton
    sillage en ces flots indomptés.     Tes
    Yeux  Quand tes
    yeux noirs sur moi se posent Je sens l’appel
    profond des nuits Où chaque
    étoile au ciel qui luit Semble une
    paupière mi-close.   C’est un regard
    de mer qui s’ouvre Et qui demande
    et qui reçoit, Un regard que
    l’on prend pour soi, Qui se donne et
    qui vous découvre.   Souvent rieur,
    parfois rebelle, Parfois troublé
    par quelqu’ennui, Si ton regard
    te rend si belle   C’est que de
    ton âme profonde Il offre les
    reflets au monde, Mon amour aux
    yeux noirs de nuit.       L’amour s’est fait les mains
    d’un homme Pour te porter dans ton sommeil Au cœur des ocres, des vermeils Que le soleil dévoile et nomme.   L’amour s’est donné une voix Pour murmurer à ton oreille Une douceur de mots pareille Aux chansons tendres d’autrefois.   Tu grandiras prés des villages Aux noms de femmes, aux tons de fruits, A l’ombre de l’arbre qui bruit,   Guidée vers chaque lendemain Par celui dont la voix, les mains, De l’amour forgent l’alliage.     |  Ce que j’aimerais t’offrir  Ce que j’aimerais t’offrir C’est le souffle sur les blés Que la brise fait trembler, Poussant son calme soupir;   C’est la caresse dorée Du soleil sur les bras nus Et, quand l’automne est venu, Le pas feutré des forêts;   Et la mer, l’embrun, le vent... Vois-tu, j’y pense souvent, Sans toujours savoir le dire :   Mais ce que je voudrais tant Te donner pour tes treize ans, Toi, tu l’offres d’un sourire!   Les tâches de rousseur  Encadrées de cheveux fous, Que font là toutes
    ces tâches? Si les chats ont
    des moustaches C’est pour les
    fourrer partout;   Mais je me demande
    bien Pourquoi sur tes
    joues de pèche Il a plu de l’or.
    N’empêche, C’est joli, ça fait
    coquin!   A quoi
    peuvent-ell’s servir? D’où peuvent-ell’s
    bien venir? Je crois qu’en
    peignant tes joues   Le p’tit ange qui
    t’a faite Les fit tomber d’
    sa palette En voulant t’faire
    un bisou.   Métamorphose  J’ai aimé
    une enfant aux longs cheveux de flamme Et à la peau de
    lait ; les tâches de rousseur Donnaient un
    air mutin à ses joues qu’en douceur On piquait d’un
    baiser… et voici une femme !   Je te voyais
    grandir, mais d’un seul coup tout change : Ta joliesse un
    jour est devenue beauté, Et le regard
    s’en trouve un peu intimidé -  Mais le cœur si
    ému par ce miracle étrange !    Je n’aurai rien
    perdu de ces années en fuite : J’en garde au
    fond de moi le cocon duveteux… A ta vie maintenant
    d’en inventer la suite ;   Et le jour où
    des yeux gagneront ta confiance, Elle ouvrira
    ses bras où l’amour vit à deux Pour la femme que j’ai vue sortir de
    l’enfance…   |