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Si je pouvais mouiller le
pinceau de ma voix
Dans la mer de tes yeux, en affiner la
pointe
Au coin de ton regard - Alors je
t’aurais peinte
Avec un mot ou deux, ainsi que je te
vois.
Puisse-t-on d’un poème estomper les contours
Comme on fait d’un fusain! Je dirais ton
visage,
La conque de ses lèvres - ensorcelante
et sage,
Ses reliefs enfantins et sérieux tour à
tour.
Tu m’apprendrais, peut-être, à jeter
d’un éclair
Une mèche plus sombre sur tes cheveux
clairs,
Sans me laisser troubler par les boucles
rebelles?
Et je caresserais le moindre de tes
traits
D’une voix altérée que le désir distrait
Et mes mots chanteraient, Nelly, que tu
es belle!
Sevillana
Ton regard clair, ton regard
droit,
Plus libre encor que tu ne crois,
Qui se porte sur toute chose
Eclaire l’ombre de midi
D’un rêve bleu dont tu me dis
Que tu ne connais pas la cause.
Il est comme un reflet divin
Dans la transparence du vin
Quand sur elle tes doigts se posent ;
Ta main jouant de tes cheveux
Rend inutiles les aveux
Si bien que de parler je n’ose.
Ton regard clair, ton regard droit
Plus libre encor que tu ne crois
Qui se porte sur toute chose
Tourne-le vers toi mon amour
Et de ce rêve bleu qui court
Et des reflets et des échos
De ce sourire à l’œil mi-clos
Alors tu connaîtras la cause.
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Tes cheveux portaient encore
La tension du jour
Mais tout aspirait au repos.
Un Soir (le même)
Mon amour ce soir est lasse
Et ses traits si
fins
Tendus par le froid
de glace
Reposent enfin;
Sur ses lèvres un
sourire
Offert à la nuit
Tout doucement
vient s’inscrire
En catimini.
Elle regarde
pensive
La rue les lumières
vives
Et fume en rêvant;
A quoi rêves-tu ma
douce
Toi que la fatigue
pousse
En souffle de vent?
Sans titre
Si j’avais
mille chevaux montés par mille cavaliers,
Ils
parcourraient la steppe pour t’y chercher l’ambre et la soie.
Si j’avais
mille navire guidés par mille capitaines,
Ils prendraient
la mer pour te rapporter le peigne d’ivoire qu’Hélène y perdit.
Si j’avais
mille années de mille printemps,
Ils te
tresseraient la couronne de fleurs des princesses Achéennes.
Si j’avais
mille galaxies et mille étoiles dans chacune,
Leurs éclats
s’assembleraient en un éclat unique ornant ton cou.
Je n’ai pas de
chevaux mais j’ai la route pour toi mon amour.
Je n’ai pas de
navires mais j’ai la mer pour toi mon amour.
Je n’ai
d’éternité que ma vie, pour toi mon amour.
Je n’ai
d’étoiles que tes yeux, à toi mon amour.
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Je suivais
cette femme
Je suivais cette femme heureuse
dans la rue.
Son pas dansait un peu, ses cheveux étaient libres ;
De l’œil je caressais, comme un archet qui vibre
Au toucher de la corde, un coin de chair écrue.
Je suivais cette femme heureuse qui allait
Et devant qui la rue effaçait sa misère,
Sous-bois de la cité tout chargé de mystère
Offrant à ses détours un intime palais.
J’ai suivi dans la rue heureuse cette femme :
Qui donc, ce matin-là, de l’autre a volé l’âme ?
Quel était le chasseur et qui était la proie ?
J’ai suivi cette femme dans la rue heureuse,
Puis nous sommes rentrés : mais depuis lors je crois
Que je la suis toujours, mon esquive amoureuse.
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