Je perds la mémoire

A Jean-Loup Dabadié, pour l’envie que ses textes m’ont donnée.

 

C’était pas le port de Hambourg

Mais on y était en partance

Les hommes à la fin d’une danse

Quittaient les filles du faubourg

Elles pleuraient un peu tout bas

En attendant qu’leur gars revienne

Mais les paumés qu’il m’en souvienne

C’étaient ceux qui ne partaient pas

Il fallait qu’on se dise adieu

Il fallait que l’on s’en raconte

En sachant bien au bout du compte

A voir ces larmes dans ces yeux

Que l’on payait bien cher le prix

En regrets amers en mensonges

Et de la mer et de ses songes

Liberté liberté chérie

Tu sais que je perds la mémoire

Comme un gamin trop vieux

Cmme un printemps comme la mer

Je ne connais de cette histoire

Que ce que les vents ont cru bon

De m’en raconter un matin

Pourtant tu sais

Ca a l’air vrai qu’est-ce que t’en penses

Les souvenirs de cette enfance

 

 

 

 

Où était-ce ? Je ne sais plus

 A Saint-Malo ou Recouvrance

On était quelque part en France

Je me souviens qu’il avait plu

La fille avait un goût d’anis

Le brouillard lui donnait la fièvre

Faisait trembler ses chaudes lèvres

Comme un oiseau tombé du nid

Et je la serrais contre moi

Comme cet espars qu’on embrasse

Alors qu’il n’y avait plus trace

De terre après quelques mois

Au temps où l’eau l’air et le ciel

Font de l’âme une proie facile

Prise de langueurs imbéciles

Que ne guérira plus le sel

Mais tu sais je perds la mémoire

Comme un gamin trop vieux

Comme un printemps comme la mer

Je ne connais de cette histoire

Que ce que les vents ont cru bon

De m’en raconter un matin

Pourtant dis-moi

Est-ce que ça te dit quelque chose

Ces souvenirs à l’eau de rose

 

Oui c’est une chanson de port

T’en connais cent j’en connais mille

Tu changes le nom de la ville

Mais c’est toujours le même accord

C’est vrai ces chansons de marins

C’est toujours la même rengaine

Je chante peut-être la mienne

Mais après tout on n’en sait rien

Je jongle avec des souvenirs

Avec des éclairs de mémoire

Qui illuminent la nuit noire

Où mon histoire va finir

J’ai beau jouer les matamores

Et dire que le soleil brille

Au fond va - j’ai perdu la fille

Et quelque chose en moi est mort

Tu sais j’ai perdu la mémoire

Comme un gamin trop vieux

Comme un printemps comme la mer

Je ne connais de cette histoire

Que ce que les vents ont cru bon

De m’en raconter un matin

Pourtant tu sais

Ce serait bien que tu me laisses

Le peu d’illusions qu’il me reste

 

C’est vrai ces chansons de marins

C’est toujours la même rengaine

Celle-là on dirait la mienne

Et tant pis si je n’en sais rien.